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Empreintes à l'encre mauve
16 avril 2018

Sophisme

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Les expulsions de Notre Dame des Landes par la force ont été justifiées par notre président par le fait que les personnes installées sur les terrains l’étaient illégalement.
Elles étaient installées sur un terrain qui avait fait l’objet d’une procédure d’expropriation par l’Etat; privilège des pouvoirs publics défini comme exorbitant par le droit lorsque l’intérêt général est en jeu.
Ici, la construction d’un aéroport.
Construction dont le projet a, in fine, été abandonnée. Tout d'un coup, l'intérêt général battait en brèche devant, devant quoi au fait?

Le terrain, propriété de l’Etat, ne pouvait-il pas être considéré comme un bien public? appartenant à tous, puisqu’acheté par l’Etat? utilisé par un petit nombre pour y mener des expériences d’autonomie alimentaire, de permaculture, de mise en oeuvre d’une solidarité  active sous forme d’échanges non marchands de services (solidarité dont, au passage, on nous rebat les oreilles pour faire travailler pour rien les salariés une deuxième journée supplémentaire).
Ce petit nombre inquiet pour le devenir de la planète et assez convaincus que, seule une réduction ferme de nos manières de consommer et de produire pourrait, si elle était appliquée très, très rapidement, pourrait donc éviter que nous nous prenions le mur du réchauffement climatique en pleine face, avec toutes ses conséquences en termes de famines, de déplacements en masse de réfugiés climatiques, de guerres pour l’accès à l’eau, etc.
Par contre, au dernier sommet de Paris, la même voix, qui justifie les expulsions musclées se faisait entendre pour avertir de l’urgence de se préoccuper du climat. Va comprendre: il y avait là un laboratoire que, a minima, on aurait pu observer scientifiquement pour en tirer des conclusions sur une reproduction dans d’autres lieux, en France ou ailleurs.

Donc, soit: occupation illégale, il aurait fallu un accord manifeste de l’Etat pour l’occupation légale de ces lieux.
Puisque l’occupation est illégale, le rôle de l’Etat étant de faire respecter la loi, il est légitime qu’il ait recours à tous les moyens à sa disposition pour ce faire (y compris des grenades contenant une charge de TNT que nous sommes le seul pays européen à utiliser; grenades ayant fait l’objet d’un marché public d’importance et donc d’une commande d’Etat, l’été dernier - mais ce n'est pas le sujet)

Par contre, lorsque de grandes entreprises, aidées par leurs salariés juristes, des actionnaires, aidés par leurs gestionnaires de patrimoine, distraient de l’impôt une partie de leurs revenus, en les plaçant dans des yachts, des fondations, des clubs de rugby, des titres financiers pour spéculer, ça c’est légal donc on ne fait rien. Et tant pis si ce manque à gagner de recettes pour l’Etat se traduit par ce que l’on présente comme inéluctable: la réduction des dépenses.
Car l’Etat est vertueux: il ne peut pas se permettre d’être en déficit budgétaire, d’abord son appartenance à l’Union Monétaire le lui interdit (c’était même une des conditions pour en faire partie: les fameux critères de Maastricht).
Mais comme l’optimisation fiscale est légale, puisque votée par les députés et sénateurs dont le train de vie leur permet de s’inscrire dans les 2% des salariés gagnant plus de 7000€ mensuels, comme c’est légal, on ne peut rien faire, vous comprenez? C’est légal, on vous dit. Donc, on respecte la loi. D’un côté comme de l’autre. Où est le problème?

Allez on décrypte, au cas où ce ne serait pas suffisamment clair.
L’argument de la légalité est mis en avant. Il sert de paravent suffisamment grand pour empêcher toute autre forme de réflexion sur le fond. Car à cet argument on ne peut rien redire.
Et de ce fait, on balaie:
* ce pourquoi ces terrains avaient été occupés: lutter contre un projet supplémentaire et inutile de bétonnage d’une terre féconde.
* ce qui était réalisé sur ces terrains et qui avait le mérite de proposer une alternative à un modèle de société dont les limites humaines et environnementales deviennent de plus en plus proches
* la réalité des inégalités devant l’impôt entre le salarié lambda qui ne peut y échapper et la grosse multinationale ou l’hyper-riche qui fuient devant lui.
Et on justifie:
* l’intervention par la force
* les coupes sombres dans le budget de l’état qui ne concernent pas ceux qui les votent puisqu’à aucun moment ils n’envisagent de restreindre un train de vie qu’ils sont les seuls à voter.
* et donc, la dégradation de services publics dont les fonctionnaires sont, au bord du burn out, pour ceux qui sont au plus près des administrés et en particulier dans la fonction publique hospitalière, mais pas seulement.

Et on peut continuer à jouer le joli coeur aux sommets de Paris, en se drapant dans un souci affiché de l’état de la planète dont l’attitude face aux zadistes montre bien que l’affichage n’était que de façade. Et on peut continuer à dormir tranquille, car la loi est respectée, et l’argent peut continuer à fuir sous forme d’optimisation fiscale d’état dans le meilleur des cas.
Convaincu.e.s?
Non? Relisez, comme si ça se passait dans un autre pays…en Grèce par exemple, dans une école de sophisme...

Encre Mauve, le 16 avril 2018

PS Dans la Grèce antique, les sophistes, dont le nom est à l'origine du terme sophisme, enseignaient l'éloquence et l'art de la persuasion. Et c'est pour démasquer leur rhétorique parfois fallacieuse que les philosophes ont posé les bases de la logique. Socrate (représenté dans le tableau ci-dessus "La mort de Socrate" de Jean Louis David) a combattu régulièrement les sophistes pour démasquer leur imposture)

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