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Empreintes à l'encre mauve
22 novembre 2017

Les trois soeurs

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C’était un soir de mai. Les petites filles étaient particulièrement agitées ce soir là. À trois dans la même chambre, elles rivalisaient de bêtises et de gloussements. Peut-être percevaient-elles les tensions entre les parents ? Mai 68 faisait flamber la France et le père était un militant très engagé.

Et ça chahutait dans la petite chambre.
Plusieurs fois les parents avaient crié depuis la salle à manger qu’il fallait se taire. Mais les petites filles continuaient. C’est tellement drôle de rire, de sentir ces bulles de joie vous entourer, ricocher l’une sur l’autre, de l’une à l’autre.

Et puis le père entra. La plus petite était encore debout, à faire le clown. Des cris. Des claques. La mère l’avait suivi. Arrête, tu vas les tuer ! implorait-elle. Mais elle ne s’interposa pas.
Le père jeta brutalement la petite contre l’armoire. Arrête hurla encore la mère. L’une des aînées tenta de défendre la petite. Elle se prit une claque. La plus grande sidérée ne disait rien : comment pouvait-il se faire que le parent qui demandait de protéger les petites sœurs, ce parent là puisse commettre de tels gestes ? Et que pouvait-elle faire ? Elle était pétrifiée. La conscience du danger la clouait sur place comme la proie devant l’araignée.

Le père s’était un peu calmé.
Les petites filles se couchèrent. Mais la toute petite geignait. Elle avait mal, si mal au cou. Cela dura de longues minutes de sanglots étouffés. Surtout ne pas faire de bruit. Surtout ne plus contrarier le père.
Et puis le père entra à nouveau : va dormir auprès de ta mère dit-il à la petite. Et il se coucha à sa place dans le petit lit. Et la petite alla se blottir auprès de la mère.

On ne parla plus jamais de ce soir là.
Il y eut des dégâts pourtant. Invisibles. De ces dégâts qui modèlent une vie à jamais.
L’une n’osa jamais reconnaître sa grandeur. L’autre se fit avocate des causes perdues et la troisième crut qu’elle avait la mission de sauver l’autre, le fragile, rejouant sans cesse cette culpabilité de n’avoir pas su préserver la petite.

 

Encre mauve 22 novembre 2017

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Commentaires
E
en fait, même si l'expérience est partagée, elle est tout de même vécue de manière unique par chacun; c'est vrai qu'après on peut en reparler: c'est plus réconfortant que d'être face, seul.e, à l'absurde.
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U
Dure expérience, mais partagée! Mieux, malgré tout, que de vivre l'indifférence seule !! Bisous
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Empreintes à l'encre mauve
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