République
Aller rejoindre un ami à République pour lui donner des clés. Arriver en avance. Marcher sur la place encore fraîche et peiner à imaginer être là, la nuit, debout, tant tout semble être comme immuable, la statue avec ses dates, 20 juin, 14 juillet, 4 août 1789…et le ciel si bleu, traversé de nuages, si blancs.
Observer l’arrivée d’un groupe de bien plus jeunes que soi. Ils mettent de la musique. Ils ont l’air de danser, ensemble. A y regarder de plus près, il y en a un ou une juché sur la margelle de la fontaine qui encercle la statue, celui-ci- celle-ci dirige le chorégraphie. Plus tard ce sera un autre et le premier ré-intègrera le groupe
Mouvements saccadés ; se demander si leur conscience va jusqu’au bout des doigts, non, certainement pas, ça se voit ; mais ils ont l’air heureux. Et puis, ils sont filmés. Il y a toujours quelqu’un qui filme à Paris !
Etre abordée par un aimable barbu, aux boucles blanches, aux yeux bleus et à la peau burinée de trop de jours ou de nuits ou les deux dehors. Mais un sourire…à fondre.
Lui donner une grosse pièce, enfin grosse pour lui, parmi les piécettes jaunes.
Voir son sourire s’épanouir en la découvrant.
Être invitée à danser au rythme de la musique sur laquelle se trémoussent les danseurs. Danser. Recevoir un baiser reconnaissant. Et étreindre l’homme dans un grand élan de joie partagée.
Rire.
Se retourner et observer le regard amusé d’un homme sur un banc. Derrière.
Attendre encore un peu l’ami qui ne vient toujours pas. Il avait dit qu’il serait bientôt là.
Et puis, entendre une voix : l’homme du banc s’est levé et s’est approché.
Il dit de ne jamais perdre ce sourire, que c’est beau d’avoir dansé avec l’homme. Lui dire qu'il porte en lui une belle lumière et qu'il doit veiller sur elle pour qu'elle ne s'éteigne pas, même s'il se connaît des ombres, ainsi qu'il l'a dit.
S’asseoir avec lui, regarder ses photos : il aime les nuages et les formes qu’ils prennent, et puis aussi les formes que dessinent le ciel à travers les feuilles des arbres…
Voir un loup sur une de ses photos. Au beau milieu des feuilles, bien sûr...Le regarder s’étonner :sans doute est-il rassuré de ne pas être seul à avoir vu un loup, là, dans les feuilles.
Il dit qu’il aime le bleu. Que la vie est belle et qu’il ne faut pas la laisser gâcher par ceux qui cherchent à nous diviser.
Dire que je l’approuve totalement. Voir revenir l’homme à la barbe blanche et aux yeux bleus qui rient. Sentir comme une humanité circuler entre les trois, comme une écume légère posée sur ce dimanche. Se dire que tant qu’il existera des moments comme ceux-là, d’une entière gratuité, le monde ne périra pas.
L’ami n’est toujours pas là.
Partir non sans avoir pris quelques photos et avoir été photographiée aussi.
MC 6 août 2017