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Empreintes à l'encre mauve
10 mai 2017

Toucher

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Quelques heures à Paris. Riches de présents. Riches du présent.
Levée tôt pour arriver matin. De ma banlieue où bruissent les feuilles des arbres et pépient les oiseaux, le train pour gagner ce lieu d’hommes et d’histoire.
Nous nous étions donné rendez-vous au Louvre. Rien que ça ! Devant la pyramide. Sans arrière pensée puisque nous nous rendions à l’expo Vermeer.

Le soleil se répandait en taches d’arc en ciel sur le parvis de la pyramide inversée.
Vermeer. La lumière, le silence, l’attente. Un suspens plus serein que celui de Hooper. Un temps arrêté en fait.

À contempler certaines de ces œuvres sur panneau de bois, presque des miniatures, j’ai vu le pinceau effilé, le toucher délicat, la touche précise, la patience du peintre, cet au-delà du temps de cette époque là, encore si proche de la peinture d’icônes.
Ce soin minutieux à capter la lumière, à la laisser danser pour mettre en avant le sujet, un trait parfois et tout est dit, sur la crête d’un pli, l’arrête d’un nez, l’arrondi d’une bouche.
Ce soin à évoquer les matières : le satin, la moire, le rugueux d’une tapisserie, la tendresse d’un velours, le moelleux d'une fourure, la sensation est là, presque sous les doigts.
Le toucher aussi a une mémoire. C’est étrange d’ailleurs.
Il n’y a pas que les odeurs pour nous plonger dans nos souvenirs. 
Les mains, la peau ont une mémoire. Il est des peaux tendres dans lesquelles tout semble s’imprimer, comme si elles étaient déjà l’envers d’elles-mêmes, comme si elles étaient presque nues. Des peaux comme des ponts. Entre soi et l’autre. Entre le monde et soi. Entre le présent et le passé.
Et puis, des peaux tannées,  dures, comme desséchées, vides d’âme. Déjà blasées de tout, imperméables à l’autre.
Des peaux comme des frontières, des murailles infranchissables, des Himalaya de glace et de neige. Ne sachant faire présent d’elles-mêmes. Emmurées.

Vermeer, comme un pont étiré parvenu jusqu’à nous. Ces heures, solitaires, devant le bois, les pigments, l’huile pour les broyer, le siccatif, le modèle en mémoire, le froid peut-être : les braises de la cheminée se sont éteintes, il n’a pas eu le temps de remettre une bûche, d’ailleurs y a-t-il pensé ?
Ces heures auxquelles seul peut penser celui qui s’est risqué à l’exercice de la miniature, de l’écriture d’icônes ou de l’enluminure ou bien encore celui qui pratique un art martial interne, tout en lenteur et en précision, sans grands effets de gestes, sans précipitation, sans esprit de compétition, sans médaille à gagner, sans titre à recevoir, sans dan supplémentaire à franchir. Une certaine idée de la gratuité. De la liberté donc.
Et voici que, soudain, devant La Laitière, j’ai senti sa présence, j’ai vu apparaître dans ma conscience son grand chapeau de feutre. Il se superposait à moi, regardant avec moi son œuvre terminée. Emotion que de se tenir à côté du maître, toujours vivant, par delà sa mort physique. Le regarder en esprit rajouter un éclat sur le bombé de l’osier, intensifier une ombre dans le bleu de la jupe, sourire à ce sourire à peine esquissé, reculer de deux pas. Douceur de cette rencontre à trois.

Sortir. Le temps était au beau, juste assez chaud ; pas trop.
Nous avons marché, tournant résolument le dos à la pyramide, en marche vers la grande roue.
Je ne vais pas souvent à Paris. Comme le dit ma voisine avec un rien de mépris dans la façon de le dire « je suis casanière »….oui, j’aime rester chez moi, regarder les nuages quand il y en a, saisir l’inouï d’une goutte d’eau au cœur d’un iris mauve, lire, peindre, dessiner, et surtout observer la lente poussée de l’herbe dans mon petit jardin. Casanière donc, quand je viens à Paris, c’est pour retrouver un ami, une sœur, c’est pour la joie de se voir, d’écouter la voix, de plonger dans les yeux, de partager la vie. C’est toujours une fête. Nous avons donc marché dans ce que je découvrais être l’allée du jardin des Tuileries.

Et tout au bout la Seine. Après avoir enjambé un portillon fermé et descendu un escalier de bois nous avons longé la berge.
Beauté de l’eau si bleue, des pierres blanches des bâtiments. Présence rassurante des péniches à quai. Émotion devant ces deux bras de Seine qui s'écartent pour laisser passer le vaisseau de l'Île de la Cité, lourd de la présence lumineuse de Notre Dame.
Et pour finir l’insolite de cette maman cane et ses trois canetons. Duvet léger soulevé par la brise. Si petits. Et elle si inquiète. Que venait-elle donc faire au beau milieu de la grande ville avec ces trois petits à peine sortis de l’œuf ? Un peu moi, mais plus jeune et en cane, en fait ! Égarée. Pas vraiment à sa place. Et pourtant.

Nous l’avons vu descendre la rive, les trois minots à sa suite et se jeter à l’eau remuée par le passage d’un bateau mouche.

Pour aller où ?

Et nous où allons nous ?

 

Encre Mauve le 10 mai 2017

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Commentaires
E
Merci à ma fan des premières heures! des bises.
Répondre
U
Très beau comme d'habitude ! Plein de bises ma toute belle !
Répondre
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