La ville
Et ces sanglots du ciel lorsqu’éclate le gris
Et cette boue au sol où s’enlisent les pas
Et ces hommes et ces femmes en noir
Sur le parvis de la Défense qui courent
Pressés comme citrons à peine déballés
Et ces trains de banlieue dont les essieux charrient
Des flots décolorés de travailleurs à peine réveillés
Et ces couloirs boyaux où se meurt la lumière
Où l’œil en vain cherche le beau du jour
Et ne trouve qu’ennui et tension conjugués
Et ces trottoirs luisants où trottine bien sage la foule
Sans passion à l’âme confisquée
Et ces boutiques où brille invisible la sueur de ceux
A l’autre bout du monde dans des hangars crasseux
Et ces mains qui se tendent, noires et écaillées
Et ces couvertures sales qui recouvrent des corps
Au pied des murs lépreux de notre indifférence
Et cette odeur d’urine au bas des escaliers
Et la désespérance en lierre entortillée
Aux grilles des palais des rois et des ministres
Aux portes des villas derrière leurs digicodes
La ville, gigantesque abattoir assassine le doux, le poète, le rêveur,
Le faible, le fragile, le timide, l’isolé, le désemparé, le solitaire.
Le sang coule déjà des blessures intimes secrètes
Et ils ne le voient pas dans leurs bureaux feutrés
La foule attend le pain
Le pain pour le ventre qui gronde
Le pain pour étancher ce désir qui luit derrière tous les désirs factices gouttes à gouttes inoculés
Le pain, joie pour le cœur
Si sombre
De cette armée
De l’ombre.
MC Janvier 2016