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Empreintes à l'encre mauve
11 janvier 2016

Prise d’otages

12046991_533184370178527_3691495218703232511_nIl est des prises d’otages spectaculaires, violentes, sanglantes et nous savons bien maintenant ce qu’il en est. Elles révulsent le cœur. Elles font trembler pour l’autre, celui qui vit par là-bas, ou qui a un ami, une amie qui aurait pu se trouver là-bas. Elles posent mille questions.
Pourquoi chez nous ?
Comment ont-ils pu haïr le pays où ils sont nés au point de vouloir le meurtrir, faucher en plein vol tant de vies, si diverses, si pleines de promesses et de joies en boutons ?
Comment des hommes, des femmes peuvent-ils entrer de plein pied dans des délires psychopathes au nom d’un dieu qui devrait se célébrer dans l’intime, dans des noces secrètes ? Oui, des noces secrètes : lorsque l’on fait l’amour, on allume une bougie peut-être, pour contempler la danse de la flamme sur le corps de la femme, pour que semblent tout doux les muscles un peu trop forts, pour que s’estompent les rides et les petits défauts, ou simplement parce que la flamme embellit par nature ce qu’elle caresse. On ne donne pas la bougie à tenir à quelque spectateur, sauf goût assumé pour l’exhibitionnisme.

Il en est de même pour la rencontre avec l’infini Autre que soi, celui dont on peine à prononcer le nom, parce que le prononcer ce serait l’enfermer dans une définition, le réduire à l’humain dans ses limitations. Cette rencontre s’opère à pas lents, en silence, quand les mots épuisés, il ne reste qu’à aimer, se donner dans cet espace qui s’élargit en soi, comme vaste caverne pavée de pierreries, revêtue de tentures moirées. Et même aimer est encore définir, enfermer. C’est au-delà d’aimer qu’il s’agit. C’est une reddition du vouloir, de l’attente, du projet, du désir parce que c’est.
Ces prises d’otages là interrogent sur ce qui peut bien mouvoir leurs auteurs, dans cette déraison qui leur fait croire qu’ôter la vie à quelques uns, en y laissant la leur au besoin, pourrait constituer une glorification de ce dieu qu’ils enferment ce faisant dans un conditionnement terriblement humain, diablement réducteur.

Il est d’autres prises d’otages. Plus insidieuses. Moins spectaculaires. Moins voyantes. Pas de sang versé. Pas sur le moment. Nous en sommes victimes et la plupart du temps, nous y sommes tellement habitués que nous courbons l’échine et les laissons passer ou bien les laissons grignoter peu à peu en nous des pans de plus en plus conséquents de notre libre arbitre.
Je viens d’être victime d’une tentative d’intimidation.
Par ma banque. La caisse d’épargne pour ne pas la citer.
Oh, la pauvre femme au guichet, a, je sais bien, des objectifs quantitatifs, d’ouverture de comptes, de livrets, de montant de placements, etc. J
e le sais, un de mes amis y a laissé des plumes psychiques pour n’avoir pas su être le bon petit soldat qu’on attendait qu’il soit au moment où progressivement de sociétés de dépôts, les caisses d’épargne sont devenues des sociétés de crédit, donc des banques à part entière, avec droit de création monétaire ex-nihilo, par simple jeu d’écriture, lors de l’octroi d’un crédit.
Un ami brisé, dépouillé de sa confiance en soi, blessé, fragilisé. Une chance qu’il ne se soit pas assis définitivement sur le trottoir d’à côté. La présence de ses enfants l’a maintenu parmi nous. C’est un doux. Il aime le printemps, le soleil qui joue entre les feuilles, mais l'été aussi, le retour des saisons, les humbles petites fleurs, les insectes laborieux, le bruit du vent, l’écume qui se dépose sur la plage, les rochers et la digue battus par les vagues et les cieux, leurs infinies nuances, ces formes qui se font et se défont, ces couleurs qui viennent et qui s’en vont, les étoiles la nuit et la lune en majesté. Il aime les églises pour y rencontrer l’infini et rester le cœur béant devant le silence de dieu.

J’étais allée retirer un chéquier commandé.
La femme, peu amène, bon, on comprend, les fêtes, on mange un peu trop, on boit un peu trop, on se couche tard, ça laisse des séquelles. Moi-même, en ce moment, je ne suis pas à prendre avec des pincettes et les plaisanteries de certains étudiants que j’écoutais d’une oreille bienveillante, ne me font plus rire du tout. Du tout. Surtout quand je vois l’état de la planète.
Bref, la femme peu amène me demande mon nom, vérifie mon prénom, jette un regard sur mes comptes, me demande ma carte d’identité et me tend mon chéquier.
Il faut vous dire, qu’en août, lorsque j’ai vu baisser les taux des livrets A, j’ai retiré tout l’argent…enfin, tout l’argent, l’argent qui y était, pour le déposer sur mon compte courant.
De rage. Parce que je sais que sans la consommation des ménages, la croissance stagne, et que réduire le taux d'intérêt est susceptible de les forcer à consommer...
Et que je n'ignore pas que l’argent placé sur les livrets fait des petits qui ne nous rapportent rien, mais enrichissent les porteurs de parts sociales des dites banques, pour ne pas les nommer non plus : les actionnaires.
La femme peu amène me fait alors remarquer que j’ai une grosse somme qui dort sur mon compte courant.
Moi :
-       Oui, je sais, c’est mon épargne
-       Vous avez donc un achat à faire ?
-       Non.
-       Mais alors vous pourriez la placer sur un de vos livrets.
-       Et bien non justement, ça ne me rapporte rien, alors pourquoi faire ? et comme je ne veux pas placer mon argent dans des titres, je trouve que c’est bien ainsi.
-       Savez-vous qu’il y a de plus en plus de fraude sur internet, que l’on peut vider votre compte très facilement ?
-       Et bien, je suis assurée, je crois, et même je paie deux assurances, dont une qui n’a jamais été suspendue par vous alors que la seconde est incluse d’office dans le pack que vous m’avez proposé.
-       Ah, mais là, vous ne récupérerez jamais ce montant là.
-       …
Elle avait déjà les mains sur le clavier, prête à faire le virement que j’aurais dû lui demander de faire, effrayée par la menace.
-       Alors, vous faites quoi ?
-       Rien.
-       Bien
-       Au revoir Madame.
-       Au revoir Madame.
J'ai senti qu'elle fulminait.

Et voilà ce que j’appelle une tentative d’intimidation d’une part et une prise d’otage de l’autre. La tentative d’intimidation est claire. Comme si l’argent déposé sur les livrets ne pouvait pas être ponctionné au même titre que celui figurant sur le compte courant. Elle m’a prise pour une demeurée.
La prise d’otage plus sournoise : nous payons une assurance pour nous prémunir contre certains aléas. Nous croyons être tranquilles. En fait, pas du tout : au-delà de 3000 € l’assurance ne rembourse pas les sommes volées en cas de vol de chéquier, et au delà de 2000€ en cas de vol ou de perte de la carte bancaire.
Il faudrait donc passer par les fourches caudines, payer l’assurance, mais laisser le minimum sur le compte courant,  remplir des livrets qui ne rapportent rien.
Et en remerciant en plus.
Et ce n’est qu’une partie de l’iceberg. Des livres entiers ont été écrits sur le fonctionnement d’un système bancaire qui est basé sur le versement d’intérêts de prêts sous tendus par une création monétaire ex-nihilo.
OUI. Ex-nihilo. Sans aucune monnaie réelle derrière. Les banques n’ont qu’une seule contrainte : laisser en réserve à la banque centrale un pourcentage de la somme des dépôts à vue ou à très court terme, je traduis, du montant des comptes courants et des comptes sur livrets. Ce sont les réserves obligatoires. Ce système ne peut fonctionner et perdurer que grâce à l’endettement renouvelé des consommateurs, donc à leur désir de consommer.

Qui plus est, ce système bancaire s’est mis à créer des outils pour se protéger de l’insolvabilité des emprunteurs, des espèces de mini contrats d’assurance qui, une fois créés, peuvent être vendus, et vendus d’autant plus cher que le risque d’insolvabilité est plus grand. Et pour ne pas mettre tous les risques ensemble, on a découpé ces mini contrats d’assurance en petites parties que l’on a associées à d’autres titres un peu moins risqués. Et ces agglomérats de petites parties de contrats d’assurance et de titres deviennent à leur tour des titres. Qui figurent au bilan de la plupart des grandes banques et de certaines entreprises. Or ce sont des actifs toxiques, c’est à dire susceptibles de disparaître en fumée dans l’instant, comme s’ils n’avaient jamais existé. Car le porteur final est celui qui endosse le risque d’insolvabilité, c’est à dire d’incapacité de rembourser sa créance, de l’emprunteur initial.

Ce qui fait que si trop de monde devient insolvable en même temps ou trop vite, par effet domino, vous visualisez l’effet domino ? Et bien, donc, dans ce cas, la crise devient globale, le mot savant est systémique.
Et là, ce ne sont plus les hackers qui viendront aspirer l’argent des comptes courants…car il n’y aura plus moyen de retirer des espèces sonnantes et trébuchantes au guichet des banques, car tout aura fondu comme neige au soleil : il n’y aura plus de liquidités. Parce que le ratio de réserves obligatoires que les banques doivent déposer en liquide auprès de leur banque centrale est infime par rapport aux sommes déposées par les particuliers et les entreprises sur les comptes courants et les comptes sur livret…Il est actuellement de 1%.
Voilà pourquoi les retraits sont plafonnés pour les titulaires de cartes bancaires classiques. Il faut détenir une carte Gold pour pouvoir retirer plus d’un seul coup. Et encore il y a un plafond.

Voilà aussi pourquoi nous sommes pris en otage. Tous. Collectivement.
Mais voilà, je vais quitter la caisse d’épargne, je vais aller là : https://www.credit-cooperatif.coop/particuliers/, parce que ça suffit maintenant.

Parce que je suis convaincue que ces prises d’otage sont intimement reliées, comme sont reliés entre eux, de manière souterraine, par la symbiose mycorhizienne arbusculaire[1], les arbres des forêts. Les prises d’otages sanglantes n’étant que des excroissances visibles et montées en épingle, pour qu'on oublie les premières, ces prises d’otages silencieuses que nous subissons sans en avoir conscience.

Parce que je suis convaincue que face à ce réseau souterrain, qui grenouille et enfle dans l’ombre, un autre réseau existe et doit faire contrepoids, au grand jour, ailleurs, autrement, un réseau de tous les hommes et les femmes de bonne volonté qui ne se résignent pas à voir l’homme et le vivant défiguré et qui aspirent pour lui à plus d’humanité, de générosité, de partage, de bienveillance, de paix, de tout ce qui ferait que la terre resterait un lieu magique plutôt qu’un immense cimetière.

Parce qu’il faut diffuser autour de soi d’autres valeurs, contre les obscurantismes de tout poil et les replis sur soi peureux.

 

MC Janvier 2016

 

Grand merci à P.H. pour le prêt de sa photo.

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