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Empreintes à l'encre mauve
10 janvier 2016

Question de tempo

flamme_brûleL’hiver. Ce drôle d’hiver. Un hiver doux qui se déguise en prémisses de printemps.
Et pourtant l’hiver. Ce temps des journées courtes, des soirées qui débutent tôt sinon tirées les grandes draperies pourpre ou orange, frangées d’or, comme une révérence du soleil à la nuit qui s’avance.
Tout invite au lent, au doux, au tendre, au chaud.
Les yeux noyés dans l’âtre, où s’élancent les danseuses enflammées, où crépitent les bûches tordues par le brasier ardent. On voit passer des visages, des yeux, l’espace d’un instant. Ils traversent le voile et s’effacent aussitôt. Hôtes secrets. Compagnons silencieux. Fascination du feu, de ses ondes vives. Muraille verticale d’eau de feu qui s’élève. Echo du fil de l’eau rivé à l’horizontale, défi à la pesanteur, le feu épouse l’air tout en le réchauffant. Mariage.
Et à son tour, l’air tremble. Magie du feu. Pénétrer là au cœur de la flamme, dans cet espace blanc lumineux où se fondent toutes couleurs. S’enivrer de ce blanc pur, étincelant. Source.
S’arrêter. Contempler. Se poser. Ne rien faire qu’être là.
Se donner le temps.
Ouvrir une fenêtre au sein de toutes ces activités stériles qui occupent les mains et donc l’esprit. Oublier les écrans et leurs lueurs bleutées qui ne cessent de cracher leur insipidité et parfois leur lot de misères, celles seulement qu’il est bon de montrer pour que le bon peuple s’indigne, s’offusque et trouve enfin légitime telle ou telle action.

Il en est de la chose publique aujourd’hui comme du processus de manipulation perverse : le pervers ne commence jamais par une claque dans la figure, non, non, il vous offre des fleurs, de vraies fleurs ou bien des fleurs de mots au doux parfum de miel. Vous y croyez, tant pis. Tant mieux. Un jour cessent les mots et commencent les maux. Un jour ? Non, cela se fait doucement. De dénigrement en moquerie, de moquerie en mensonge, de persiflage en soufflage de chaud et de froid, la déstabilisation est progressive et quasi invisible. Et un jour, c’est la claque. Et puis le lendemain, les coups.
Et puis, le cimetière.
Dans les années qui suivirent la fin de la seconde guerre mondiale, on aurait pu croire que le bonheur était possible pour l’humanité. Enfin, pour cette partie de l’humanité qui nous était donnée à voir : l’occident. Des conquêtes sociales : congés payés, réduction du temps de travail, salaire minimum, encadrement des pratiques par le droit du travail, donnèrent l’impression qu’il était voulu du bien à l’homme même s’il fallut se battre pour arracher ces droits.
Et puis, le système à bout de souffle se mit à comprendre qu’il n’était plus possible de rester sur ce niveau de générosité avec ce facteur travail dont il fallait laminer les coûts pour pouvoir continuer à vendre dans les mêmes conditions partout. Le théorème d’Heckscher Ohlin Samuelson qui postule à l’égalisation mondiale du coût des facteurs de production est en train sournoisement de se vérifier.

La nasse se referme. Le paysage ressemble de plus en plus étrangement à celui que n’ont jamais cessé de connaître les pays du Sud, dit élégamment « en développement » et à celui qu’ont connu nos ancêtres, il y a un siècle. La pression sur les salariés augmente à tous les niveaux, exécution comme encadrement. Le maître mot devient efficacité à tout prix, y compris celui de la santé et/ou de l’équilibre mental.
Et malgré toutes les avancées technologiques pour permettre à l’homme de gagner du temps, il n’a jamais si peu eu, en occident, le sentiment d’en manquer, tant il doit travailler, se déplacer, faire à manger, s’approvisionner dans l’urgence.
Et dans cette course folle contre le temps, c’est le temps qui gagnera. Parce que le temps s’en fout. Il a tout son temps. Et il n’est rien d’autre que ce que nous en faisons. Il se modèle à nos désirs à condition que nous ne nous servions pas de lui pour notre propre plaisir. Et parce que ceux qui mènent la cadence se foutent aussi de ceux à qui ils l’impriment et des dégâts qu’ils causent.

La nasse se referme. Malgré le réchauffement climatique, c’est vers un long hiver que s’achemine l’humanité.
En hiver, tout se ralentit. L’humanité va devoir apprendre à ralentir. De force. Puisqu’elle n’a pas su respecter le tempo des saisons.
Et pourtant, que c’est doux que de s’asseoir au coin du feu, la main dans la main du bien-aimé, à écouter ronronner l’âtre, à laisser filer les pensées jusqu’à ce qu’elles s’estompent et qu’une paix sereine envahisse le cœur.
Cherchons dans nos vies comment ralentir, comment habiter autrement l’espace de temps, oui l’espace de temps, qui nous est imparti. Cherchons comment nous simplifier la vie, simplifier nos tâches, simplifier nos loisirs.
Fuyons les fâcheux et les agités.
Redonnons-nous du temps pour vivre ensemble ou pour être seul, en paix, avec soi. Parce que si on ne peut être en paix avec soi, on ne pourra pas l’être avec qui que ce soit.

 

MC Janvier 2016

 

 

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