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Empreintes à l'encre mauve
8 janvier 2016

L'ornithorynque et l'homme

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La saison de l’automne me questionne toujours. Pourquoi tant de vie déployée, ces feuilles sur les ramées, ces hautes canopées, dans un éclat de roux, d’or, de pourpre, d’orangé, se détachent-elles un jour pour revêtir le sol d’un tapis qui, le temps passant va devenir brun, sale, à force d’être piétiné mais surtout privé de sa sève ?
Oui, oui, on sait bien, pour devenir humus, terreau, nourriture chaleureuse pour la poussée d’autres graines, pour aider les pousses à grandir un peu mieux.
Rien, dans la nature, n’est au hasard. Et tous les hasards qui ne convergent pas la vie s’éteignent au fil du temps.
Comme si la nature disait :
-       je m’excuse, je me suis trompée. Je ne recommencerai plus. Plus comme ça. J’introduirai des nuances, je raboterai ceci par contre qui est de trop.
Il reste parfois au fond des océans, dans des forêts profondes des spécimens étranges de ces étranges essais. Impossible de les ranger dans une case précise.
Certains sont uniques.
D’autres sont en famille. L’ornythorinque – zut, mon correcteur orthographique m’indique que le y n’est pas après le « n » mais après le « r »…-  par exemple.
Queue de castor, bec de canard, pattes de loutre, pourvu d’un aiguillon venimeux sur les pattes postérieures, mammifère, mais pondant des œufs…
Inclassable ! Bien que les scientifiques qui ont la manie de tout ranger – on dirait qu’ils ont peur que la vie les déborde- bien que les scientifiques donc, les classent ainsi :
Règne : Animal, ouf, ce ne sont pas des végétaux. Ils se déplacent. Mais pourquoi les végétaux ne se déplaceraient-ils pas ? moi, les nuits de pleine lune, je suis sûre d’avoir vu les sapins faire la ronde dans la clairière derrière la maison…
Embranchement : Chordata….ah…chordata. Au fait, ça veut dire ça : animaux bilatériens deutérostomiens. Vous aussi, vous vous demandez ? Bien, et puis ?
Sous embranchement : Vertébré
Classe : mammifère
Sous classe, ça se complique : protothère
Ordre : monotrème
Famille : Ornithorhynchidés
Bien, l’ornithorynque est donc classé.
Et pour autant, on a tout de même du mal à repérer qui fait partie de sa famille.
Mais je m’égare.

La question est : l’ornithorynque est-il un essai ou une réussite ? La nature est-elle contente de le voir au monde ? Ou bien va-t-il disparaître ?
Toutes ces questions pour arriver à LA question que je me pose aujourd’hui.
Pourquoi ces morts ? Toutes ces morts. Celles des Charlie qui sont honorées ce jour, enfin le 7 janvier. Mais aussi, celles dont j’ai appris l’existence ce matin et elles me semblent infiniment plus tragiques encore, comme s’il pouvait exister une gradation dans l’horreur de la mort.
Et pourtant, comme j’ai pleuré l’année dernière quand la nouvelle est arrivée. Et pas à ce moment là seulement, le lendemain, devant mes étudiants qui ne comprenaient pas, le surlendemain et encore et encore. Comme si j’avais perdu des frères, des amis, des trublions armés de leurs seules plumes. Et pas ces trublions du goût commerciaux que sont les deux qui ont crée leur boîte de cookies hors de prix. Non, de vrais trublions qui osaient stigmatiser tous les faux semblants, toutes les institutions, toutes les faussetés et les absurdités de notre système qui marche à contre vie.

Paradoxe de cette langue : apprendre l’existence d’une mort.
La mort existerait-elle donc ?
La mort n’est pas un état. Elle un passage seulement. De la vie sur terre à l’absence de vie sur terre. Quoiqu’il se passe après.
Donc, j’ai appris l’existence de morts.
Oui, ce matin, j’ai appris qu’en Syrie, dans un village encerclé par je ne sais plus qui et je ne sais plus qui encore, peu importe en somme, et dont les terres alentour sont parsemées de bombes à sous munitions, des vivants meurent.
Impossible de partir. Les vivants se nourrissent d’herbe bouillie et de feuilles d’arbre.
Oui, de feuilles d’arbre. Celles dont on admire les couleurs, chez nous, à l’automne. Là-bas, ils les mangent. Parce que le kilo de riz est passé de dix à cent cinquante euros…
Ils ont des nausées, des vertiges. Et certains meurent. De faim.
Ils meurent. Ils n’ont rien fait d’autre que d’avoir le malheur d’être là. Même pas trublions. Tout juste vivants. Ils sont nés là. Ils n’auraient pas dû.

Aujourd’hui, voilà la nouvelle livrée par l’AFP.
Maintenant je me demande pour quelle raison on apprend cette nouvelle aujourd’hui. Je suis devenue suspicieuse face aux «nouvelles ». Où veut-on nous conduire ? Que cherche-t-on à nous conduire à penser ?
Car des morts, il y en a partout, partout, tellement que ça en est indécent.
Hier, je visionnais le film de Tavernier, « Le juge et l’assassin ». La conclusion offre cette mise en perspective : le bouvier fut condamné parce qu’il avait tué 12 enfants, dans le même temps des centaines d’enfants moururent dans les usines de la révolution industrielle.
Combien de morts sur l’autel de la logique économique, de la logique marchande ?
Pendant les guerres de territoire. Et depuis qu’a commencé cette guerre économique qui se joue à grands renforts de gains de productivité, de recherche des matières premières les moins coûteuses et de coûts de production tirés vers le bas.
Combien de morts ?
Et pourquoi ?
Certainement pas pour faire de l’engrais. Certainement pas pour permettre aux suivants d’espérer vivre et grandir en paix. Les massacres des camps de concentration n’auront pas servi de leçon : tziganes, homosexuels, handicapés, juifs, communistes, tous morts en vain. Le « plus jamais ça » n’a jamais été suivi d’une réflexion sur le modèle d’humanité que nous aurions pu définir pour la planète.

Des hommes meurent de faim. En Syrie. Et ailleurs.
Selon le programme alimentaire mondial, association humanitaire qui lutte contre la faim dans le monde, une personne sur neuf souffre de la faim dans le monde (http://fr.wfp.org/notre-action/notre-action)
Une sur neuf.
Pour le moment.

L’homme.
Règne : Humain
Embranchement : je ne sais pas.
Sous embranchement : Vertébré
Classe : mammifère
Sous classe, je ne sais pas
Ordre : je ne sais pas
Famille : je ne sais pas. Mais non. Ce n’est pas ça. L’humain fait partie du règne…animal ! Voilà qui devrait nous calmer, non?

Voici comment l’homme est classé :
Je passe sur l’empire : eukaryote. Soit.
Le règne : animal et le sous règne : bilatérien. Le rameau : deustéromien. L’embranchement : chordata. Tiens, comme l’ornithorynque…
Classe : mammifère. Ah, encore l’ornithorynque.
L’ordre : primate.
La famille : hominidés
Le genre : homo. Sapiens qui plus est.

Sapiens, je rigole. Sapiens de quoi ? Sapiens : celui qui sait. Mais que sait-il donc, ce primate, incapable de protéger sa famille, et même et surtout capable d’en décimer des pans entiers, sous la houlette de quelques primates un peu plus velus, à forts pectoraux et grande gueule ? Que sait-il donc, lui qui détourne sans cesse les avancées scientifiques pour en faire des sources de profit au profit de quelques-uns au lieu d’en faire des sources de mieux être au profit du grand nombre ?
Que sait-il donc, ce primate capable de scier savamment la branche sur laquelle il est assis, de constater que la sciure tombe au sol, que la branche grince méchamment et qui continue à scier en détruisant ses ressources minières, végétales, en condamnant à la disparition des espèces animales, en ravageant les eaux, les airs et les sols ?
Mais que sait-il donc ce suicidaire ?
N’est-il pas un de ces hasards de la nature, qui aurait pu être prodigieux mais qui n’a pas su gérer son potentiel de vie ?
Pas étonnant que les sages de tous les temps aient cherché à proposer à l’homme une vision plus noble que ce qu’il a fait de son existence terrestre.
Toutes ces morts n’ont pas de sens, contrairement à la chute des feuilles.
Ce n’est que gâchis et préfiguration de l’extinction de la famille des hominidés.
Les autres familles sont, tout compte fait, plus intelligentes que nous. Même celle des ornithorhynchidés.

Tous les hasards qui ne convergent pas vers la vie s’éteignent.
Et si dans nos choix, petits ou grands, d’instant en instant, nous privilégiions ce qui nous conduit à une surabondance de vie ? Et si nous écoutions les voix des sages ? Pas des institutions, des sages.
Avant qu’il ne soit trop tard ? Avant que la famille hominidés ne disparaisse à tout jamais.

 

MC janvier 2016

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