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Empreintes à l'encre mauve
22 novembre 2015

Le matin était froid. Le gel était venu.

feuille givre

Le matin était froid. Le gel était venu.
Les feuilles étaient gercées et penchaient vers le sol.
Le soleil colorait de doux les branches dénudées.
L’air était vivifiant. A mes côtés, le chien trottinait insouciant.

Quelle nuit ont-ils passé les migrants de Calais ? Sous leurs tentes.
Sous des tentes plutôt que sous des bombes.
Mourir de froid ou mourir d’effroi ?
Mourir toujours.
C’est le lot de l’humain que d’aller vers la mort.

Mais la vie ? La vie, cet émerveillement permanent. Cette beauté visible dans l’harmonie des fleurs, dans ces enspiralements, dans ces bourgeonnements.
Cette beauté déclinée à l’infini dans les visages.
Se retrouver en fin de journée ou au petit matin dans les couloirs du métro ne peut que conduire au silence, à la contemplation et à une forme d’action de grâces: tant de visages, si différents, même si on peut repérer des familles de visages.
Et en dessous du visage, une vie, un cœur battant, des émotions, un univers.
Des mondes en giration qui se déplacent ensemble sous la terre pour se rendre au travail, ignorant pour la plupart les uns des autres.
Des vies qui furent portées par des entrailles chaudes. Des vies qui furent mises au monde et bercées par des bras dans le meilleur des cas. Des vies qui furent veillées les nuits de fièvre ou de dents qui poussent.
Et un jour, ce monde de tendresse, dans le meilleur des cas, s’écroule. Oh, pas en un jour. Quoique parfois…Lentement s’érode cette grâce, cette magie.
L’enfant perd l’innocence et s’enfouit dans l’adulte en devenir.
L’adulte ?

Dehors, la lumière se répand, éclairant d’autres feuilles, faisant naître des ombres sur la terre. Le cours de la vie, immuable, s’élance instant après instant.

L’adulte ? Quelle est cette construction théorique des hommes ? Le dictionnaire me rassure : l’adulte est celui qui est parvenu au terme de sa croissance, du latin, adolescere, grandir.
L’adulte est donc celui qui a fini de grandir.
La croissance intérieure n’est donc pas contenue dans le mot.
C’est à la fois rassurant et inquiétant.
Rassurant parce que devenir adulte ce n’est pas signe que la sagesse ait été acquise. Et donc, cela rassure chaque fois qu’un adulte commet des actes insensés.
Inquiétant, parce que devenir adulte ce n’est pas signe que la sagesse ait été acquise. Et donc, cela inquiète lorsque des responsabilités importantes sont confiées à des adultes parce qu’ils le sont. Point.
Il faudrait inventer un mot pour désigner l’adulte qui signifierait l’être parvenu à un certain degré de maturité intérieure. Je n’ose utiliser le terme de maturité spirituelle. Mais c’est bien de cela qu’il s’agit.
Un mot qui décrirait l’être qui aurait eu le courage d’aller regarder à l’intérieur de lui, qui aurait pris le temps de se comprendre, de se réconcilier avec lui.

Dehors, la lumière explose. Les mésanges s’affairent. Les branches du bouleau frémissent doucement. Il fait calme. L’herbe semble velours sous la caresse du soleil. Des nuances de vert s’adoucissent aux extrémités des branches des sapins. Au loin, les longues mains des arbres dépouillés de leurs feuilles s’étirent vers la lumière comme pour s’en gorger dans un dernier sursaut avant l’hiver qui vient.

Un mot pour désigner celui qui serait allé regarder ses ombres? A l’intérieur de lui. Pour ne plus avoir à les combattre à l’extérieur de lui. Un véritable courageux. Un qui aurait entrepris de marcher sur ce chemin invisible. Un qui aurait appareillé son navire pour un voyage dans l’univers de son être.
Un mot ? Voyageur ? Guerrier ? Chercheur ? Découvreur ? Dévoileur ? Cheminant ?
Courageux à coup sûr. Résistant aussi.
Car il en faut du courage pour résister à toutes les sirènes qui attirent au-dehors de soi. Elles sont perchées, si belles, là où elles sont prévisibles, dans ces temples modernes où s’empilent des biens fabriqués en série à l’autre bout du monde, derrière ces écrans bleus qui allument nos nuits de leurs ombres fantomatiques, sur les pages glacées de tous nos magasines, dans les discours lénifiants de nos grands dirigeants qui, sous couvert de notre protection, protègent en fait le petit nombre d’entre ceux qui dirigent le monde et les dirigent eux-mêmes.
Elles s’insinuent sournoises et se rendent invisibles. Mais elles sont là, puissantes, et nous attirent hors de nous. Nous dérobent les clés. Brouillent toutes les cartes. Endorment nos mémoires. Eteignent notre nostalgie.
Car ce n’est pas en empilant des savoirs ou des biens que la paix arrive en l’être. Mais en allant au plus près de ce qui nous anime, de ce qui est notre âme, notre vie, notre essentiel, notre essence. Aucune réponse pré-fabriquée à trouver dans aucun livre, aucune religion.
Il faut un jour trouver la force de tout quitter de ses croyances et de ses certitudes pour pouvoir commencer à se trouver. Bien souvent, cela arrive quand on n’a plus rien à perdre.
Justement.
Maintenant.

Maintenant, au lieu de continuer à consommer encore, boire, comme si de rien n’était, comme si cent trente personnes n’étaient pas mortes en France, et combien de milliers depuis que l’homme est sur terre sous les coups de canons, de fusil, de mitraille, de bombe et d’arbalètes.
Maintenant. Sans renoncer à boire, à s’amuser, à s’aimer et à rire. Il n’en est pas question de renoncer à ça. Juste prendre le temps, un peu chaque jour de s’arrêter de faire tout ça, de s’arrêter de courir, de consommer et puis se poser.
Comme on se poserait avec un ami cher, une amie de confiance. Et écouter. Ecouter la vie à l’intérieur de soi. Comme un cadeau offert encore tout emballé, décoré de bolducs. Comme une lettre envoyée par un amoureux ou une amoureuse.
L’espace d’un instant, arrêter de chercher à l’extérieur. Guetter à l’intérieur de soi l’émerveillement d’être vivant. Le laisser grandir comme grandit la flamme de la bougie quand elle est protégée des grands vents d’au-dehors.
S’installer alors dans cet émerveillement et se laisser bercer par sa douce chaleur.

Et puis, revenir. Regarder au dehors. Le ciel. La terre. L’arbre en trait d’union.

Le jour est installé. Le calme. https://youtu.be/KWzJGRh_Tsw

Penser à tous ceux qui n’ont pas cette chance. Et poser quelques gestes de beauté au fil de la journée.

 

MC Novembre 2015

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