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Empreintes à l'encre mauve
16 novembre 2015

La Marseillaise jouée à Notre Dame...

notre dame

La Marseillaise à Notre Dame…Je viens de l’apprendre.
Je me souviens, adolescente, que mes parents nous avaient emmené, mes sœurs et moi, assister au spectacle des chœurs de l’armée rouge qui se produisaient à Lyon. Ce devait être dans les années 70. Mes parents étaient communistes et peu fortunés. Cette sortie était donc un événement.
Les chœurs ont démarré le spectacle en chantant les hymnes nationaux. Tout le monde s’est levé. Moi pas.
Je ne comprenais déjà pas que l’on puisse se lever pour célébrer ce qui fait l’identité d’un peuple. Mes parents m’ont fusillée du regard. Je me faisais remarquer : ils n’aimaient pas ça. En plus, je pense qu’ils trouvaient ça naturel de se lever.
Comme beaucoup d’entre nous, j’imagine, écouter une foule entonner son hymne national me remplit de frissons.
Alors, ça doit être contradictoire. Le cœur frissonne et la tête raisonne ?

Il me semble que c’est plus compliqué.
Célébrer ce qui fait l’identité d’un peuple, l’affirmer c’est donc la renforcer.
La renforcer parce qu’on la sent en danger. En danger de quoi ? En danger de se déliter, parce que les autres semblent plus. Plus forts, plus armés, plus résistants, plus puissants.
On ne se demande pas s’ils sont plus eux-mêmes. Si leur identité est plus marquée. S'ils ont trouvé leur identité, ce qui fait leur richesse en propre. Ce qui fait qu'ils pourraient nous apprendre quelque chose que nous ne savons pas. Si, ce faisant, nous pourrions nous enrichir de nos différences au lieu d'en avoir peur.
C’est comme si quelqu’un, tous les matins, se levait et entonnait son propre hymne personnel de telle sorte que tous ceux qui le croisent l’entendent et se tiennent à distance, effrayés par cette démonstration de puissance et en perdent de facto toute confiance en eux, lui laissant le champ libre pour que sa volonté s’exerce fût-ce à leur détriment.
En effet, chanter son hymne d’auto-louange peut avoir quelque chose d’impressionnant.
Cela peut aussi donner du cœur à l’ouvrage, de faire le compte de toutes ses vertus et de savoir que l’on peut s’appuyer sur ses forces pour avancer.
A condition de ne pas se leurrer sur les forces que l’on croit détenir, maîtriser et ne pas tricher. Comme ces va-t-en guerre qui parlent haut et fort, qui coupent la parole, qui utilisent des mots savants ou de longues phrases, pour mieux impressionner l’interlocuteur et lui laisser penser qu’ils sont les plus forts et que donc ils ont raison. Dialectique impitoyable pour qui ne se sent pas sûr de lui.

Notre hymne national est singulièrement sanguinaire. Il donne des frissons à l’entendre mais ce ne sont pas les frissons que j’évoquais tout à l’heure.
Il ne parle que d’armes, de batailles, de sang versé, de violence, de courage guerrier. Un hymne national en forme de haka…
Notre pays est riche de tant de richesses. Il a vu naître des penseurs de tous horizons, il regorge, dans tous les domaines, d’artistes et d’artisans depuis la nuit des temps : la grotte Chauvet en est le témoin minéral, il a hissé la gastronomie au rang d’art, son peuple aime rire et chanter. Oh ! J’en oublie sûrement. J’aime ses formes, ses plaines, ses montagnes, ses chaînes de volcans, ses côtes découpées et ses plages de sable. L’ocre de l’Esterel, l’or des plaines de Beauce, le rouge de ses pommiers, le jaune acide des champs de colza, le vert profond de ses forêts, le bleu inimitable des cieux d’Ile de France pommelés de nuages, le vert au rond des vagues quand elles roulent au rivage, la lumière de la neige sur les rochers d’hiver. L’opale, l’émeraude, l’azur de nos Côtes. Le rose du granit. Et le brun profond de la terre retournée.

Chaque peuple a ses richesses, ses traditions, de celles qui prouvent que l’homme peut engendrer un supplément de beauté, en magnifiant la nature, en donnant le meilleur de lui-même. Chaque terre a ses beautés à en couper le souffle
Chaque homme a ses richesses, son histoire, ses racines, connues ou pas, qui l’ont construit et qui le fait différent des autres.
A quoi sert de prouver que l’on est meilleur, plus fort, plus riche, etc. que les autres, si l’on est en paix avec soi-même ? Si l’on est conscient qu’aucun de nos choix n’est susceptible de nuire à autrui ?
A rien, on n’en a plus besoin.

Pourquoi des hymnes nationaux ? Pourquoi ce besoin de séparer les peuples ? Comme si un peuple était meilleur qu’un autre ? Une manière de faire meilleure qu’une autre ? De quel droit ?
Pourquoi une hiérarchie entre les êtres humains ? Pourquoi créer des divisions là où un homme en paix avec lui-même n’en placerait pas ?
Célébrer ce qui fait l’identité d’un peuple…

Si écouter une foule chanter un hymne national me remplit de frissons, ce n’est donc pas pour ce qu’ils véhiculent et dont je viens  d’évoquer les limites.
Non, si je frissonne, c’est parce que ces hommes, ces femmes vont, au-delà de leurs différences, se réunir dans ce qui les rassemble. Parce que ce faisant, ils expriment cette intuition profonde que l’humanité pourrait parler d’une seule voix au nom de l’humain, au nom de la préservation de la terre.
C’est une communion à une dimension qui dépasse les vies individuelles sans toutefois les nier. Chacun chante avec sa voix dans l’harmonie générale. Une communion comme celles que l’on peut observer ou vivre, c’est selon, dans les pratiques religieuses.

Tout à l’heure, hier, à Notre Dame, à l’issue de la messe en l’honneur des victimes le grand orgue a résonné des notes de la Marseillaise.
Là, je ne comprends pas très bien ce que vient vers cet hymne sanguinaire visant à souder des citoyens dans un lieu consacré censément à l’amour et à la paix visant à réunir une communauté de croyants.
Cela me choque profondément que la religion s’immisce dans le temporel. La religion n’est pas la spiritualité certes. Mais que dit ce message de cet hymne? Il dit qu’il faut séparer les nations, les élever les unes contre les autres.
Que l’on s’élève contre ce qui détruit l’homme, évidemment que c’est nécessaire. Mais jouer la Marseillaise dans une église, ça je ne comprends plus. Que fait l’église si ce n’est du racolage, là ?
Décidemment, les ecclésiastiques perdent les pédales- ou pas- et vont dans le sens où les évènements vont conduire en douceur les peuples : la sécurisation du territoire au nom de la lutte contre le terrorisme. Le religieux et le temporel de nouveau main dans la main pour tenir l’homme en laisse…

Si l’homme est sur le chemin en communiant avec les autres à plus grand que lui,  il n’en a pas pour autant la conscience claire de la grande direction vers laquelle le mène ce chemin. Il est sur le chemin. Mais il s’arrête en route. Sans doute l’idée de contribuer tous ensemble au bien commun engendre-t-elle la peur de perdre son identité ? À défaut de perdre ses biens ? C’est ça,  c’est la peur de l’uniformisation.
Et par peur de l’uniformisation, on préfère l’uniforme. Ça doit être rassurant. Et puis, c’est confortable. Pas pour les tous les hommes. Pour ceux, seulement, dont les intérêts résident dans une foule docile, rassurée par un état fort. Pour ceux qui ont intérêt à désigner un bouc émissaire en allumant ces contre feux sécuritaires, ce qui leur permet de continuer à engranger de confortables profits. Pour ceux qui, par leur avidité, ont continué à profiter d’un système profondément inégalitaire et profondément destructeur des forces vives des hommes et de la nature.
Les autres hommes sont à leur service. Si ces derniers peuvent penser un instant que la sécurité est rassurante, ils vont vite comprendre que l’asservissement, lui n’a pas changé. L’injonction paradoxale : d’un côté, se faire plumer par ceux qui tirent les ficelles, de l’autre, se faire canarder par les terroristes. L’injonction paradoxale rend fou…Tous les pervers du monde le savent et l’utilisent pour asservir leurs victimes.

Quand l’homme comprendra-t-il que le monde irait mieux, serait plus juste, plus paisible, plus joyeux si chacun arrivait à donner le meilleur de lui-même ? Je ne parviens pas à croire en un enfant né mauvais, le vice dans la peau. Un enfant aimé devient un adulte aimant. Un enfant mal-aimé peut aussi le devenir si la résilience l’aide à transformer en richesses les expériences qui l’ont un jour terrassé.

Quand l’homme comprendra-t-il qu’il n’a besoin de personne pour parler dans son cœur avec dieu, si c’est important pour lui ? Que la spiritualité est une affaire de l’intime de l’être et pas une activité sociale ? Que cela ne sert à rien de répéter des dogmes créés pour lui par d’autres ? Pour le canaliser, pour le contenir.

Quand l’homme comprendra-t-il que l’on est plus heureux d’être que d’avoir ? Et qu’à vouloir trop avoir, on en oublie son être ? Qu’il vaut mieux créer sa vie que d’entrer dans du prêt à penser, à consommer ?

Quand allons-nous arrêter de nous comporter comme des gamins en cour de récré?

 

MC Novembre 2015

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