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Empreintes à l'encre mauve
4 novembre 2015

Les clés, suite: épisode 4

Une voix semblant sortie des entrailles de la terre s'éleva:

S5034142« Mais qui es-tu espèce de freluquet, pour oser t’adresser aux gardiens de la montagne, sans nous avoir présenté des offrandes ? Que crois-tu ? On ne s’adresse pas ainsi au peuple des pierres. Quel manque de respect ! Tu n’as donc jamais lu, jamais étudié, jamais écouté les anciens? Que connais-tu du monde ? Pour qui te prends-tu?
C’est insupportable. Ce forgeron qui nous envoie ses apprentis sans les avoir mis en garde.
Je vais les pétrifier ceux-là aussi, comme les autres. »

Les sept jeunes étaient déjà pétrifiés. Aucun d’entre eux n’osait bouger, ni parler. Le silence se fit. Lourd. Un silence comme seuls peuvent le soutenir les veilleurs de pierre.
Soudain, dans cette tension à la limite du supportable, un son parvint aux oreilles des sept amis terrorisés. Un son léger d’abord, puis de plus en plus distinct. On aurait dit le vent quand il souffle dans les branches. Un feulement très doux. Un son feutré, comme du velours qui glisserait sur l’air. Oui, c’est ça, comme des ailes qui fendraient l’air avec douceur et fermeté. Le son se rapprochait, semblait maintenant tourner autour d’eux.
Ils levèrent la tête.

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C’était un couple de grands ducs. Majestueux. Les ailes déployées, ils embrassaient la scène. Lentement ils descendirent et se posèrent au pied du plus grand des rochers. Après avoir incliné la tête devant lui, l’un des deux prit la parole : «  Nous avons entendu ta colère, elle faisait trembler la terre et tous les arbres de notre forêt ; nous nous doutions qu’un courroux pareil n’était pas étranger au passage de ces sept gosses. Cependant, noble gardien de la montagne, nous venons demander la grâce pour eux. Ils ont sauvé notre fils qui était tombé du nid et que nous étions bien en peine de faire remonter. Alors, nous t’en prions, laisse les passer et indique leur le chemin »

Le grand rocher, de fort mauvaise humeur, leur lança des propos sibyllins : « Seuls ceux qui sont capables de remonter pourront descendre. Je ne dirai plus rien»
Les enfants remercièrent le gardien, puis ayant fait un petit signe de connivence aux grands ducs s’éloignèrent à toutes jambes.
A bout de souffle, ils s’affalèrent dans l’herbe du premier pré qu’ils trouvèrent après avoir traversé de grands espaces remplis de pierres aux visages tourmentés…sans doute d’anciens apprentis du forgeron…

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Bon, alors, qu’est-ce qu’il a voulu dire l’ancien ? Remonter pour descendre ? Et chacun à tour de rôle répétait « Remonter pour descendre », « Remonter pour descendre »…
Ils décidèrent de se remettre à marcher. Ne sachant quelle direction suivre, ils longèrent la rivière qui serpentait en bas du pré.

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Et chacun à leur tour, comme un mantra, ils répétaient « remonter pour descendre »…
Ils longèrent la rivière jusqu’à la tombée de la nuit. Epuisés, ils s’allongèrent, se couvrant de feuilles pour se protéger de la fraîcheur de la nuit.
Ils ne parlaient plus. Leur découragement était palpable. Ils auraient aimé suspendre le temps, tant l’avenir leur paraissait impossible à appréhender.

S5035088

Au plus noir de la nuit, une petite voix haut perchée s’éleva en chantonnant: « remonter pour descendre, je sais ce que ça veut dire moi » En un instant les sept se retrouvèrent sur leurs pieds. Ils avaient tous entendu la voix. Elle semblait venir de la rivière ; ils avancèrent. La lune était encore ronde. Il faisait clair dans cette nuit.
Dans les eaux de la rivière ils distinguèrent des reflets argentés qui se déplaçaient en sinuant, traçant dans l’onde un ruban de lumière. Le ruban s’approchait de l’endroit où ils se tenaient puis s’éloignait puis revenait.

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Et la voix se fit à nouveau entendre « remonter pour descendre, je sais ce que ça veut dire moi, suivez-moi »
Trop épuisés pour chercher à comprendre, trébuchant à chaque pas, ils suivirent le ruban lumineux qui remontait le courant de la rivière.

Au petit matin, fourbus, l’aube n’était pas encore levée, mais sa clarté commençait à faire pâlir la nuit, ils purent distinguer à travers la transparence des eaux d’où émanait cette lumière qui les avait conduits jusque là.
Ils reconnurent la truite qu’ils avaient remise à l’eau alors qu’elle était en train de s’asphyxier sur l’herbe, là-bas, près du village du forgeron, au début de leur périple.
Pour la dernière fois, la truite leur parla et leur dit :

A suivre

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Commentaires
4
C'est encore fort beau et si bien écrit !
Répondre
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