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Empreintes à l'encre mauve
13 octobre 2015

Cadeau

aq martine 0151

Il est des jours qui commencent péniblement : nuit trop courte, mêlée de rêves où une amie me tirait les cartes. J’ai oublié le message. Sans doute, rien d’important ou alors d'une importance telle que j’en suis devenue amnésique... Et ce réveil qui sonne, imperturbable.

Les gestes, des milliers de fois répétés, le rituel du lever, du laver, du déjeuner, tout ça en une demi heure, pas de séance maquillage ou coiffage interminable, il y a belle lurette que j’ai renoncé à camoufler mes rides et ma petite mine, et que j’ai rendu les armes devant des cheveux qui, comme moi, n’en font qu’à leur tête ! C’est bien le moins que l’on puisse attendre d’une chevelure d’ailleurs…
Et puis, la voiture, petit moment de joie à constater que, dans le sens où je circule, je suis seule sur la route alors que je suis croisée par une théorie impressionnante de phares tout le long de mon trajet. Les pauvres. Comment survivent-ils à cet enfer quotidien ? Apprennent-ils des langues étrangères ? Ingurgitent-ils journaux d’info sur journaux d’info ? La chaîne « rires et chansons » sévit-elle encore et fait-elle encore rire, si tôt le matin ? A quoi pensent-ils tous, toutes, chacun, chacune, car ils sont seuls, elles sont seules dans leur coquille de tôle.
Comme moi d’ailleurs: pas de co-voiturage possible avec les horaires que j’ai. Pas de transports en commun non plus. Il me reste l’option du vélo…mais bon, j’ai courageusement rayé cette possibilité !

Dans quelques minutes, je vais entrer en scène. Je vais oublier que j’ai mal dormi. Le clown, l’artiste et le professeur doivent à leur public respectif d’arriver de bonne humeur, comme lavés de toute empreinte personnelle.
Jeu de rôles.
Jeu drôle.
Jeux de drôles.
De toute façon, on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre. Je suis là pour les intriguer, les bousculer, les secouer, leur apprendre un vocabulaire inattendu.
Ce matin, j’ai évoqué la notion de posture intellectuelle : l’un d’entre eux – ils ont tous plus de dix huit ans- m’a demandé ce que ça voulait dire ; alors j’ai traduit et c’était plus clair alors.

Il arrive alors que l’on se prenne au jeu et que l’on oublie vraiment sa fatigue, ses douleurs, ses ennuis. Pure présence à ce qui advient.
Moment de grâce.
Et la grâce circule !
Ce matin, j’ai reçu des compliments de ma danseuse quant à ma nouvelle coupe de cheveux. Compliqué de ne pas sourire, de ne pas remercier. Elle n’était pas obligée. Et je crois sincèrement que ce n’était pas un subterfuge pour essayer de reculer le début du cours. Ils n’en ont pas besoin de subterfuges : ils ont tant et tant de secrets à échanger, de nouvelles à se donner, même s’ils se sont quittés la veille au soir au moment de s’endormir !!!
Et puis, ce qui s’est passé ensuite n’est que tendresse de la part de ces égarés du système scolaire, de ceux qui continuent une formation, bien souvent parce que leurs parents le souhaitent, le désirent pour eux.
Et c’est tellement tendre que je n’ose le dévoiler. Cela restera dans le huis clos de cette salle de classe, un secret entre eux et moi. Comme ces fous rires que l’on déflore à tenter de les expliquer.

De la gentillesse, de la douceur.
Tout ça, à huit heures trente le matin.
Comme un bouquet de bonheur, de bonne heure.
Il a ensoleillé ma journée.
Et je vérifie encore - si tant est que j'ai besoin de le faire après toutes ces années - que l’enseignement est assis sur la confiance, sur le respect, sur la bienveillance, sur la tendresse. Que cette tendresse se moque bien de la différence d’âge : car lorsque l’on plonge dans la profondeur de l’autre, dans sa vérité, alors disparaissent les barrières, les préjugés, les jugements, les a priori.
Quarante ans de plus qu’eux et ils m’ont enlevé en cinq minutes au moins trente ans d’âge. Une cure de jouvence !
Enfin, et c’est pour moi, le plus magique de ces quelques minutes : l’un de mes étudiants, l’un de ceux dont j’évoque la gentillesse et la douceur à mon égard, est né le même jour – pas la même année- où chaque année je me souviens avoir mis au monde une petite fille qui n’a pas vécu et dont j’ai porté le deuil pendant si longtemps.

Cadeau.

Merci.

 MC octobre 2015

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